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ENS Physique PC 2001

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SESSION 2001

Filière Physique - Chimie

PHYSIQUE

( ENS : Ulm )
Durée : 6 heures
II est conseillé d'aborder les différentes parties dans leur ordre d'apparition, certaines questions ayant une résolution utile pour la suite du problème.
L'usage d'une calculatrice électronique de poche à alimentation autonome, sans imprimante, est autorisé. Une seule calculatrice à la fois est admise sur la table et aucun échange n'est autorisé entre les candidats. Le candidat est prié d'accorder une importance particulière aux applications numériques.
Des progrès importants effectués dans les techniques de refroidissement des gaz d'atomes neutres permettent depuis 1995 d'atteindre des températures tellement basses que ces gaz perdent toute viscosité. Par analogie avec l'hélium liquide, qui perd lui aussi toute viscosité à très basse température, on parle de gaz superfluides.
On se propose d'établir ici quelques propriétés des gaz superfluides et de comparer les prédictions obtenues aux résultats expérimentaux. La partie I est consacrée à l'étude des propriétés à l'équilibre thermodynamique d'un gaz superfluide en l'absence de potentiel extérieur. La partie II considère la situation réalisée en pratique d'un gaz superfluide à l'équilibre dans un potentiel harmonique créé par un champ magnétique. La partie III détermine la réponse du gaz superfluide à une faible perturbation du potentiel harmonique.
On rappelle la valeur du nombre d'Avogadro, .

1 Gaz superfluide en l'absence de potentiel extérieur

1.1 Équation d'état d'un gaz superfluide

On considère un gaz superfluide de particules dans une enceinte de volume . Les parois de l'enceinte constituent un thermostat de température , avec lequel le gaz est à l'équilibre thermodynamique. Les particules interagissent deux à deux avec un potentiel d'interaction , où sont les vecteurs positions de deux particules quelconques et du gaz. On suppose que le potentiel d'interaction est négligeable pour deux particules séparées par une distance macroscopique de l'ordre de la taille de l'enceinte. En d'autres termes, la portée du potentiel d'interaction est négligeable devant la taille de l'enceinte.
De plus, la température du gaz est si basse que l'énergie cinétique des particules est négligeable devant l'énergie d'interaction. On suppose donc que les particules sont au repos, avec des positions réparties aléatoirement avec une densité moyenne uniforme .
(a) Calculer l'énergie moyenne du gaz en fonction du nombre de particules , du volume de l'enceinte et de la constante de couplage
sont les composantes du vecteur dans une base orthonormée ( ).
(b) On admet que l'entropie du gaz tend vers zéro lorsque la température tend vers zéro. En déduire l'énergie libre du gaz, dans la limite , en fonction des quantités . Montrer que la pression du gaz est donnée par
Exprimer le coefficient de compressibilité isotherme du gaz et son potentiel chimique en fonction de et .

1.2 Quelques contraintes sur l'équilibre thermodynamique

Il s'agit de vérifier si l'état d'équilibre considéré à la partie 1.1 précédente est bien admissible d'un point de vue thermodynamique. Pour cela, on sépare par la pensée l'enceinte de volume en deux parties 1 et 2 de volumes respectifs et , et
l'on partage le gaz en particules dans la zone 1 et particules dans la zone 2 . Chaque zone est supposée être à l'équilibre avec le thermostat à la température , avec une densité uniforme de particules . Les densités et peuvent a priori être différentes. Le raisonnement va s'appuyer sur la fonction thermodynamique donnant l'énergie libre du gaz à l'équilibre thermodynamique pour particules dans un volume à la température .
(a) Rappeler pourquoi l'énergie libre est inférieure à l'énergie libre de tout état du système hors d'équilibre à fixés.
(b) Exprimer l'énergie libre totale du gaz en fonction des énergies libres des parties 1 et 2 du gaz. En déduire une équation fonctionnelle vérifiée par .
(c) Traduire le fait que l'énergie libre du gaz est un minimum vis-à-vis d'un changement de et à constants. Interpréter physiquement les résultats.
(d) Mêmes questions pour un changement de et à constants.
(e) Appliquer les conditions obtenues en (c) et (d) à l'expression de l'énergie libre obtenue dans la partie 1.1. En déduire que le gaz doit avoir une densité uniforme à l'équilibre thermodynamique, et que seul un signe de la constante de couplage , que l'on précisera, est acceptable.

1.3 Mélange de deux gaz superfluides

On mélange deux gaz superfluides d'espèces atomiques différentes, atomes de l'espèce et atomes de l'espèce , dans la même enceinte de volume . Les deux gaz sont à la même température , que l'on supposera très basse au sens de la partie 1.1.
Les atomes de l'espèce (respectivement ) interagissent par un potentiel d'interaction (respectivement ), où est le rayon vecteur entre deux atomes. De plus, chaque atome de l'espèce interagit avec chaque atome de l'espèce par le potentiel . Comme dans la partie 1.1 on néglige l'énergie d'interaction de deux atomes quelconques séparés par une distance macroscopique de l'ordre de la taille de l'enceinte.
Il s'agit de déterminer l'état d'équilibre du mélange, en choisissant parmi deux configurations possibles.
(a) Dans la configuration I, chaque gaz superfluide remplit toute l'enceinte avec une densité moyenne uniforme, pour l'espèce et pour l'espèce b. Calculer l'énergie libre de cette configuration en fonction des nombres de particules , du volume et des constantes de couplage
(b) Dans la configuration II, les deux gaz superfluides occupent des régions de l'enceinte disjointes et complémentaires, chaque gaz ayant une densité moyenne uniforme dans son domaine respectif. L'espèce occupe une fraction du volume , l'espèce une fraction . Calculer l'énergie libre de cette configuration, en fonction de , et du volume .

Tournez la page S.V.P.

(c) À l'équilibre, le paramètre de la configuration II prend une valeur bien précise. À l'aide d'un des principes de la thermodynamique, déterminer cette valeur en fonction de et . En déduire , énergie libre de la configuration II à l'équilibre, en fonction de et du volume .
(d) Parmi les configurations I et II, laquelle est la plus favorable d'un point de vue thermodynamique? On précisera les différents cas possibles suivant les valeurs des constantes de couplage. Interpréter physiquement le résultat.
(e) Le groupe de Wolfgang Ketterle, au Massachusetts Institute of Technology de Boston (MIT), a étudié des mélanges de trois espèces différentes, appelées . Les constantes de couplage de chaque paire d'espèces sont données dans la table 1 . À l'aide de la théorie développée ici, prédire si les paires d'espèces et sont miscibles ou pas.
TAB. 1 - Dans l'expérience du MIT sur les mélanges de trois espèces a, de gaz superfluides, constantes de couplage en entre les espèces et , avec ou c.

2 Gaz superfluide au repos dans un piège

2.1 Équilibre dans un piège de forme arbitraire

Dans les expériences, le gaz superfluide est piégé, c'est-à-dire qu'il est confiné par un champ de forces dérivant du potentiel dépendant de la position des particules dans le gaz, mais indépendant du temps. La force de pesanteur est incluse dans ce champ de forces. Contrairement au modèle spatialement homogène de la partie 1 , la densité et la pression du gaz à l'équilibre thermodynamique dépendent de la position .
(a) Rappeler la relation fondamentale de l'hydrostatique portant sur la pression à l'équilibre d'un fluide soumis à un champ de forces extérieures.
(b) A l'aide de l'équation d'état obtenue dans la partie 1 , exprimer la densité de particules en fonction de la constante de couplage définie par l'équation (1) et du potentiel de piégeage , à une constante additive près.
(c) Indiquer comment déterminer la valeur de cette constante additive, sans chercher ici à la calculer explicitement.

2.2 Équilibre dans un piège harmonique

Le plus souvent, le gaz superfluide reste confiné suffisamment près du point où le potentiel de piégeage est minimum pour que le potentiel de piégeage soit très bien représenté par son approximation harmonique. Pour simplifier, on suppose de plus dans cette partie que le potentiel est isotrope:
est la masse d'une particule, est le module du vecteur position et une constante.
(a) Rappeler la signification physique de la quantité .
(b) Montrer que le gaz superfluide reste effectivement confiné au voisinage de . Quelle est la forme d'équilibre de la surface du gaz? On appelle la distance maximale au centre du piège accessible au gaz.
(c) Exprimer la densité du gaz en fonction de , de et de la densité au centre du piège.
(d) On connaît le nombre total de particules dans le superfluide. En déduire en fonction de et de .
(e) Finalement, exprimer en fonction de et de la constante de couplage définie par l'équation (1).

2.3 Considérations thermodynamiques

On souhaite obtenir une interprétation thermodynamique de l'état d'équilibre du gaz obtenu à la partie précédente 2.2.
(a) Calculer l'énergie potentielle harmonique du gaz en fonction de et .
(b) Faire de même pour l'énergie d'interaction du gaz due au potentiel d'interaction de la partie 1.1, en supposant que est négligeable pour deux particules séparées d'une distance macroscopique de l'ordre de .
(c) Exprimer l'énergie libre du gaz à en fonction de et . Montrer que la quantité n'est autre que le potentiel chimique du gaz.
(d) Retrouver la condition d'équilibre obtenue par l'hydrostatique à l'aide d'un argument thermodynamique.

2.4 Comparaison aux expériences

On compare les prédictions théoriques précédentes à quelques résultats expérimentaux obtenus avec un gaz superfluide d'atomes de sodium . Ces atomes interagissent avec une constante de couplage .
(a) Le groupe de Lene Hau, au Rowland Institute (Boston), a mesuré un diamètre maximal de pour un nuage superfluide de atomes de sodium dans un piège harmonique de paramètre . Comparer à la valeur attendue théoriquement.

Tournez la page S.V.P.

(b) On coupe brutalement le potentiel de piégeage. On constate alors que le gaz entre en expansion, bien que les particules soient initialement au repos, à . Comment expliquer ce phénomène?
(c) Après un temps assez long pour que la vitesse d'expansion du gaz ait atteint un régime stationnaire, on mesure l'énergie cinétique d'expansion du gaz. Les valeurs obtenues par le groupe de Wolfgang Ketterle, au MIT, de l'énergie d'expansion par particule pour différentes valeurs du nombre de particules dans le gaz, sont données dans la table 2. À l'aide d'une régression linéaire des résultats expérimentaux en échelle , montrer que varie approximativement comme une puissance de avec un exposant que l'on précisera.
(d) Donner l'expression de prédite par la théorie. Comparer la valeur de obtenue expérimentalement à la prédiction théorique.
TAB. 2 - Énergie d'expansion par particule en Joule, mesurée au MIT en fonction du nombre de particules dans le gaz superfluide.

3 Gaz superfluide en mouvement

3.1 Équations du mouvement

Le gaz superfluide, initialement à l'équilibre, est maintenant soumis à un potentiel extérieur pouvant dépendre du temps . Pour décrire le gaz superfluide en mouvement, on l'assimile à un fluide sans viscosité. On note la densité volumique, la pression et le champ de vitesse du fluide.
(a) Rappeler l'équation de continuité portant sur la densité de particules et le champ de vitesse , traduisant la conservation de la matière.
(b) Rappeler l'équation d'Euler donnant l'évolution du champ de vitesse sous l'effet du potentiel extérieur pour un fluide sans viscosité de pression .
(c) À l'aide de l'équation d'état obtenue dans la partie 1 et sous l'hypothèse d'un équilibre local du gaz, transformer l'équation d'Euler en une équation sur et .

3.2 Régime de réponse linéaire

On applique au gaz superfluide une perturbation de potentiel sur l'intervalle de temps :
décrit le piège statique de la partie 2 et . Cette perturbation entraîne des déviations et de la densité et du champ de vitesse de leurs valeurs à l'équilibre et .
(a) En négligeant les termes quadratiques en les écarts à l'équilibre, obtenir des équations d'évolution linéaires pour et , sans chercher à les résoudre. Pour simplifier, on se limitera aux instants ultérieurs à la perturbation, .
(b) Montrer qu'après avoir dérivé une fois par rapport au temps l'équation linéaire sur , il est possible d'éliminer . En déduire une équation d'évolution portant seulement sur .

3.3 Modes propres d'un gaz superfluide homogène

On suppose que le gaz superfluide à l'équilibre remplit tout l'espace avec une densité uniforme . On souhaite déterminer les modes propres de l'équation d'évolution sur . Pour cela, on considère une solution de la forme:
et le vecteur réel sont des constantes.
(a) Vérifier que la forme proposée convient à condition que soit une certaine fonction de que l'on précisera.
(b) Interpréter physiquement le résultat obtenu. On précisera à quelle vitesse une perturbation appliquée en un point du gaz superfluide se propage. Comment cette vitesse dépend-elle de la forme de la perturbation?
(c) Après envoi d'une impulsion laser dans un gaz superfluide d'atomes de sodium initialement au repos, l'équipe du MIT a constaté la propagation d'ondes de densité à une vitesse de . On suppose que le gaz était initialement quasi homogène avec une densité moyenne de atomes par . Comparer la vitesse mesurée à la prédiction théorique.

3.4 Modes propres dans un piège harmonique

Le gaz superfluide est initialement au repos dans un potentiel de piégeage harmonique anisotrope:
est la composante du vecteur position sur le vecteur de base . On excite le gaz en modifiant faiblement l'un des paramètres pendant une durée . On admet qu'on excite ainsi des modes propres du gaz superfluide de la forme
Tournez la page S.V.P.
, les coefficients et la pulsation sont des constantes.
(a) Exprimer la densité du gaz à l'équilibre à une constante additive près, en fonction des , de et de .
(b) À quelles conditions sur les coefficients la forme proposée pour satisfait-elle l'équation d'évolution obtenue à la partie 3.2 ? Ces conditions peuvent-elles être satisfaites quelle que soit la pulsation ?
(c) Au MIT, le gaz superfluide, initialement piégé dans un potentiel à symétrie de révolution d'axe , est excité pendant la durée par une petite modification du paramètre seulement. Expliquer pourquoi on a alors , et écrire les conditions que doivent satisfaire et .
(d) En déduire que doit vérifier une équation du second degré que l'on précisera. Donner les solutions de cette équation en fonction du paramètre .
(e) Dans l'expérience du MIT, le paramètre vaut 13,60 . Donner les pulsations propres des deux modes excités, ainsi que les valeurs correspondantes du rapport . Expérimentalement, on constate que le gaz bat à la pulsation . Quel est l'écart relatif entre la prédiction théorique et le résultat expérimental?
(f) À quelle fréquence devrait battre le gaz en l'absence d'interaction entre les particules? Qu'en concluez-vous?
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