Différents aspects du champ électromagnétique : du classique au quantique
Le champ électromagnétique est à l'origine de nombreux phénomènes physiques, de la structure du proton aux amas de galaxies, dont certains sont connus depuis l'Antiquité. Pourtant, il faut attendre le XIX siècle pour voir émerger les théories électrostatique et magnétostatique, grâce aux contributions de Coulomb, Gauss, Ampère, Biot, etc. Suivent la compréhension des phénomènes non-statiques comme l'induction et la propagation des ondes électromagnétiques. Tous ces travaux forment la théorie classique de l'électromagnétisme, qui culmine en 1864 avec la formulation des équations de Maxwell. Cependant, cette théorie échoue à prévoir certaines observations expérimentales comme le spectre du corps noir, l'effet photoélectrique ou encore l'effet Compton. Le début du XX siècle voit ces différents problèmes résolus grâce à Max Planck et sa théorie des quanta, ainsi qu'à Albert Einstein et son interprétation en << grains de lumière >> du champ électromagnétique, supposé continu jusqu'ici. Ces grains seront appelés plus tard << photons >> par Gilbert Lewis (1926), et sont à la base d'une nouvelle interprétation du champ électromagnétique : l'interprétation corpusculaire.
Depuis maintenant plus d'un siècle, la correspondance entre les approches classique et quantique a été démontrée, et les notions de photon et d'onde électromagnétique sont aujourd'hui réunies au sein du concept de dualité onde-corpuscule. L'aspect ondulatoire est exploité dans d'innombrables applications notamment en télécommunications, et l'aspect corpusculaire continue de fasciner les physiciens, avec des prix Nobel récents liés au comportement purement quantique des photons (S. Haroche 2012, A. Aspect 2022).
Ce sujet propose l'étude de différents aspects - classique et quantique - du champ électromagnétique. La première partie dresse une analogie mécanique du champ classique, et établit l'existence d'une quantité de mouvement et d'un moment cinétique qui lui sont associés. Nous étudions dans un second temps le rayonnement du corps noir, et les étapes historiques qui ont conduit à introduire la notion de photon. Enfin, nous adoptons un point de vue purement corpusculaire et étudions la statistique d'émission des photons par différentes sources de lumière.
Les trois parties constituant ce sujet sont indépendantes et peuvent être traitées séparément. Le sujet comporte 13 pages.
Les applications numériques seront effectuées avec la précision qu'un calcul à la main permet aisément, et (sauf mention contraire) sans excéder deux chiffres significatifs. Les ordres de grandeur seront donnés avec un seul chiffre significatif. Les données numériques ont été choisies pour faciliter les calculs.
Les références des questions abordées devront être indiquées de façon claire.
Notations, formulaire et données numériques
Constantes fondamentales et données numériques : les valeurs numériques sont données avec deux chiffres significatifs et sous forme approchées pour faciliter les applications numériques.
Célérité de la lumière :
Charge élémentaire :
Constante de Planck :
Constante de Boltzmann :
Formulaire :
Espérance , variance et écart-type d'une variable aléatoire dont les valeurs discrètes suivent une loi de probabilité :
Caractéristiques d'une loi binomiale de paramètres et :
Développement limité : .
I Champ électromagnétique classique et grandeurs mécaniques associées
Nous étudions dans cette partie quelques grandeurs mécaniques associées au champ électromagnétique, notamment sa quantité de mouvement. Soit le champ électromagnétique en un point quelconque de l'espace, muni d'un repère orthonormé cartésien ( ). On définit les densités volumiques de quantité de mouvement et de moment cinétique par
où est la quantité de mouvement du champ électromagnétique à l'instant et son moment cinétique au même instant. Les intégrales portent sur tout l'espace et est l'élément infinitésimal de volume.
La densité de quantité de mouvement du champ électromagnétique s'écrit et la densité de moment cinétique par rapport au point .
Rappeler l'expression du vecteur de Poynting, noté . Donner sa dimension et son unité courante.
Exprimer en fonction de . Donner la dimension de et , et vérifier que et sont respectivement homogènes à une quantité de mouvement et un moment cinétique.
Dans la suite, l'étude porte sur un système montrant l'existence d'une quantité de mouvement du champ électromagnétique.
On considère un solénoїde d'axe ( ) (représenté figure 1), comportant spires, de rayon et de longueur suffisamment grande pour négliger les effets de bords aux extrémités de celui-ci. Le solénoïde est parcouru par un courant , a priori variable dans le temps. La dépendance temporelle du courant n'est pas connue mais on considère que le courant est égal à une constante pour , et décroît à partir de l'instant sur une durée caractéristique . On considérera par la suite que . L'approximation des régimes quasi-stationnaires est supposée applicable. Un point de l'espace est repéré par ses coordonnées cylindriques ( ) dans le repère mobile ( ). est le centre du solénoïde. On note le volume à l'intérieur du solénoïde.
Figure 1 - Schéma du solénoïde.
Déterminer l'expression du champ magnétique produit à l'intérieur et à l'extérieur du solénoїde, et pour chacune des phases temporelles : et . On justifiera les éventuelles approximations et on précisera si le champ magnétique est homogène à l'intérieur et à l'extérieur du solénoïde.
Exprimer le champ électrique produit à l'intérieur et à l'extérieur du solénoïde et pour chacune des phases temporelles : et . On justifiera les éventuelles approximations et on précisera si le champ électrique est homogène à l'intérieur et à l'extérieur du solénoïde.
Pendant la phase , on positionne une charge ponctuelle et de masse dans le plan ( ). Cette charge est supposée immobile et initialement en un point extérieur au solénoïde et noté , de telle sorte que la distance est très petite devant la longueur du solénoïde. On choisira .
5. En supposant que est suffisamment petit pour qu'on puisse négliger le déplacement de la charge ponctuelle pendant l'intervalle , déterminer l'expression de la vitesse pour des instants . On négligera l'influence du poids de la particule devant les forces électromagnétiques. On exprimera le résultat en faisant apparaître les grandeurs caractéristiques de la charge, et , et celles qui sont caractéristiques du solénoïde, et .
6. Rappeler sans démonstration l'expression du champ électrostatique en un point de l'espace, produit par une charge ponctuelle , située en .
7. Exprimer en présence de la charge , de position initiale , pour les phases et . On pourra utiliser l'expression de l'intégrale suivante .
8. À partir d'un bilan de quantité de mouvement, expliquer comment la charge ponctuelle est mise en mouvement. En particulier, la quantité de mouvement de la particule est-elle conservée au cours du temps? Celle du champ électromagnétique? Celle de l'ensemble {charge + champ électromagnétique} ?
II Du classique au quantique : le rayonnement du corps noir
Nous nous intéressons dans cette partie aux propriétés du champ électromagnétique confiné dans une enceinte cubique de côté , assimilée à un corps noir. Lorsque cette enceinte est mise au contact d'un thermostat de température , on constate qu'elle rayonne un champ électromagnétique dont l'énergie se répartit suivant différentes composantes fréquentielles, appelées << modes >>, définis par leurs fréquences et leurs polarisations. La loi de répartition de l'énergie influe sur le spectre d'émission du corps noir et le spectre observé expérimentalement ne peut se comprendre que dans le cadre d'un modèle de rayonnement quantifié.
II.A Densité de modes électromagnétiques dans une cavité
Dans un premier temps, on considère un champ électromagnétique piégé entre deux parois planes et infinies, constituées d'un métal que l'on supposera parfait (conductivité infinie) pour faciliter l'étude. Les deux parois sont positionnées aux abscisses et et sont infinies selon les directions (Oy) et (Oz). Le champ piégé entre ces deux parois est harmonique (monochromatique) de pulsation fixée et de la forme : , avec . L'espace situé entre les deux parois infinies est vide de charge et de courant.
Les conditions de passage à une interface entre deux milieux 1 et 2 sont rappelées ci-dessous :
où est la normale à l'interface entre les deux milieux et orientée du milieu 1 vers le milieu la densité surfacique de charge de l'interface et la permittivité diélectrique du vide. Nous rappelons que le champ électrique dans un métal considéré comme parfait est nul.
9. Donner l'équation à laquelle obéit le champ électromagnétique entre les deux parois. En déduire une équation différentielle vérifiée par . On note la norme du vecteur d'onde.
10. En précisant les conditions aux limites en et sur et en expliquant leur origine, déterminer l'expression de . Montrer que les conditions aux limites conduisent à une quantification de la pulsation et déterminer l'expression de cette pulsation .
11. Pour un champ électrique dont l'expression serait , montrer que la condition obtenue précédemment est la même. En déduire que pour une pulsation donnée respectant cette condition, il est possible d'avoir deux champs électriques solutions dont les polarisations sont rectilignes et perpendiculaires entre elles.
Nous considérons maintenant l'enceinte dans sa totalité comme une cavité cubique constituée de parois métalliques parfaitement conductrices. La résolution est alors plus complexe que dans le cas unidimensionnel. Les solutions permises dans le cas à trois dimensions sont des modes électromagnétiques dont la pulsation est quantifiée par trois entiers naturels strictement positifs, . Nous précisons que pour chaque pulsation du champ électrique solution du problème, il y a deux modes associés, correspondant aux deux polarisations rectilignes indépendantes. Les expressions de la pulsation et du vecteur d'onde pour ces deux polarisations sont
Sur la figure 2, on représente un vecteur d'onde donné dans l'espace cartésien des vecteurs d'onde ( ). Dans cet espace, les modes électromagnétiques occupent les nœuds d'un réseau cubique de pas . Le volume occupé par un nœud est , chaque nœud représentant deux modes de polarisations indépendantes. La contrainte donnée par la relation de dispersion dans le vide à l'intérieur de la cavité est représentée par une sphère de rayon (à gauche figure 2 ) et par un cercle dans le plan ( ) (à droite figure 2). On rappelle que appartiennent à .
Figure 2 - Représentation de dans l'espace des vecteurs d'onde pour un triplet ( )= ( ). À droite, le carré grisé symbolise le volume occupé par le mode ( ), en projection dans le plan ( ). Le disque gris matérialise l'ensemble des modes dans le plan ( ) dont la norme du vecteur d'onde est inférieure à une valeur fixée .
Exprimer le nombre de modes pour lesquels la pulsation est inférieure à fixée.
Déterminer l'expression du nombre de modes par unité de pulsation . En déduire l'expression du nombre de modes par unité de fréquence
où est le volume de la cavité.
En résumé, le raisonnement précédent revient à considérer chaque mode propre électromagnétique pouvant exister dans la cavité comme un oscillateur harmonique unidimensionnel, de pulsation fixée par trois entiers naturels strictement positifs, et de polarisation rectiligne fixée. À une pulsation donnée correspondent deux états de polarisation rectiligne indépendants pour le champ électromagnétique. Dans la suite, nous adoptons deux approches pour déterminer l'expression de la densité spectrale d'énergie électromagnétique moyenne contenue dans la cavité, notée et homogène à une énergie par unité de fréquence.
II.B Composition spectrale du rayonnement : approche de Rayleigh-Jeans
En 1900, Lord Rayleigh utilise une approche de mécanique statistique pour aboutir à une expression de qui explique le spectre du corps noir aux basses fréquences. Corrigée plus tard par James Jeans, cette loi se révèlera erronée et sera finalement remplacée par la loi issue des travaux de Max Planck. Elle contient tout de même un point de raisonnement important dont s'inspirera ce dernier, et permet de rendre compte d'une partie des observations expérimentales.
14. En utilisant le théorème d'équipartition de l'énergie appliqué au champ électromagnétique contenu dans la cavité en contact avec un thermostat de température fixée , déterminer l'expression de la densité spectrale d'énergie électromagnétique moyenne dans la cavité,
où est un préfacteur, dépendant de et de notamment, à déterminer.
La figure 3 présente des données expérimentales sur la composition spectrale du fond diffus cosmologique . Découvert en 1965, ce rayonnement en provenance de l'espace interstellaire est très proche de celui du corps noir idéal, et présente un maximum d'émission dans le domaine micro-onde.
Figure 3 - Composition spectrale du fond diffus cosmologique. La quantité en ordonnée est proportionnelle à la densité spectrale du rayonnement céleste. Les mesures de sont représentées par des points, en fonction de la fréquence (exprimée en Hz , axe inférieur) et de la longueur d'onde (exprimée en cm , axe supérieur) du rayonnement. Le trait plein correspond au rayonnement observé pour un corps noir idéal de température . Source : Smoot et al., Cosmic background radiation, Eur. Phys. J. C 15 (2000).
Comparer la densité spectrale prévue par le modèle de Rayleigh-Jeans aux données de la figure 3. Expliquer pourquoi l'on parlait de catastrophe ultraviolette jusqu'au début du XX è siècle. Quelle hypothèse réalisée dans le raisonnement précédent pourrait être erronée?
II.C Hypothèse des quanta et approche de Planck
Peu de temps après les travaux de Lord Rayleigh, Max Planck suppose que les échanges d'énergie entre un mode électromagnétique de fréquence fixée et la matière constituant les parois de la cavité sont réalisés de manière quantifiée, et ne se produisent que par quantités discrètes d'énergie. Par la suite, ces quanta d'énergie seront appelés photons , ayant chacun pour énergie , où est la constante de Planck. Dans ce modèle, un mode électromagnétique de fréquence contenant photons a donc pour énergie . On parle alors d'état à photons pour le mode électromagnétique de fréquence .
Au contact d'un thermostat de température , les états du système {cavité + champ} ne sont pas équiprobables : leur probabilité d'occupation dépend de l'énergie suivant la statistique de Maxwell-Boltzmann.
16. Exprimer la probabilité qu'un mode électromagnétique de fréquence contienne photons. On notera la fonction de normalisation de la probabilité qui assure que , avec . Cette fonction porte le nom de fonction de partition.
17. En utilisant la condition de normalisation ci-dessus, déterminer l'expression de . En déduire que
Établir l'expression du nombre moyen de photons, noté , contenus dans le mode électromagnétique de fréquence . On pourra poser afin de faciliter les calculs.
Montrer que la probabilité peut se réécrire sous la forme .
Cette distribution de probabilité, appelée distribution de Bose-Einstein, est caractéristique des modes électromagnétiques du rayonnement de corps noir (aussi appelé rayonnement thermique).
20. Calculer l'énergie moyenne du mode électromagnétique de fréquence . Montrer que la densité spectrale d'énergie moyenne associée s'écrit .
21. En comparant deux énergies caractéristiques, déterminer les expressions asymptotiques de la densité spectrale d'énergie électromagnétique moyenne d'un mode dans la cavité dans les régimes basse et haute fréquences. Tracer sur un même graphique les allures obtenues pour la courbe représentative de en fonction de dans l'approche de Rayleigh-Jeans et dans celle de Planck. Expliquer en quoi les travaux de ce dernier ont permis de résoudre la catastrophe ultraviolette à laquelle conduit l'approche de Rayleigh-Jeans, et évoquée à la question 15.
III Interprétation quantique du rayonnement électromagnétique
Pour justifier l'aspect quantifié des échanges d'énergie dans le raisonnement de Planck, Albert Einstein propose en 1905 une interprétation du rayonnement électromagnétique en termes de grains de lumière (qui ne seront appelés << photons >> que plus tard en 1926, par le chimiste Gilbert Lewis). Ce caractère granulaire de la lumière a permis d'expliquer un phénomène qui demeurait jusqu'alors incompris : l'effet photoélectrique, que l'on se propose d'étudier dans une première partie (III.A). Dans un second temps, on s'intéresse aux statistiques d'émission des photons suivant la nature de la source lumineuse (III.B). Enfin, nous verrons comment il est possible de caractériser expérimentalement une source en mesurant sa statistique d'émission à l'aide d'un photodétecteur adapté (III.C).
III.A Effet photoélectrique
Observé pour la première fois en 1887 par Heinrich Hertz, l'effet photoélectrique désigne la capacité d'un rayonnement électromagnétique à arracher les électrons libres (électrons de conduction) d'un matériau conducteur. Ces électrons peuvent être collectés au sein d'un circuit électrique, ce qui permet de mesurer un courant en présence du rayonnement : on parle de photo-courant.
Afin de tester la théorie d'Einstein, Robert Andrews Millikan réalise en 1914 une expérience d'effet photoélectrique, qui s'avérera concluante et permettra même de déterminer la valeur de la constante . Le principe de l'expérience est le suivant : au sein d'une chambre à vide, il place une cathode métallique en lithium reliée à une anode au moyen d'un générateur de tension continue , et d'un ampère-mètre mesurant le courant dans le circuit, figure 4 (a). Un faisceau monochromatique issu d'une lampe à vapeur de mercure éclaire la cathode, sa longueur d'onde pouvant être réglée sur l'une des raies spectrales émises par la vapeur : et 546 nm . La puissance lumineuse du faisceau est également réglable.
Pour toutes les longueurs d'onde exceptée , Millikan mesure un photo-courant lorsqu'aucune tension n'est appliquée. En faisant varier pour ces longueurs d'onde, il effectue les observations expérimentales suivantes :
i) Augmenter la tension u provoque l'augmentation du courant , jusqu'à une valeur de saturation . À l'inverse, i s'annule si on réduit u jusqu'à une valeur négative appelée potentiel d'arrêt. La courbe ainsi obtenue présente l'allure schématisée figure 4 (b).
ii) Le potentiel d'arrêt ne dépend que de la fréquence .
iii) Le courant de saturation augmente avec la puissance lumineuse .
Figure 4 - Étude expérimentale de l'effet photoélectrique. (a) Schéma de la cellule photoélectrique. (b) Allure d'une courbe photocourant-potentiel. (c) Données expérimentales relevées par Millikan. L'axe vertical est gradué tous les et l'axe horizontal tous les . Au niveau de l'intersection du trait plein et du trait pointillé, on lit . Source : R. A. Millikan, A Direct Photoelectric Determination of Planck's "h", Phys. Rev. 7, 355 (1916).
L'énergie nécessaire pour arracher un électron de conduction dans le lithium vaut . Montrer en quoi l'hypothèse corpusculaire d'Einstein permet d'expliquer qu'aucun photocourant n'est mesuré pour . On donne .
On appelle photo-électrons les électrons qui sont éjectés de la cathode par effet photoélectrique. On suppose que ces derniers sont éjectés de la cathode avec des vitesses de même norme et de directions aléatoires.
23. Expliquer qu'en l'absence de tension appliquée, on observe tout de même un photo-courant non-nul. Comment évolue la situation lorsqu'on applique une tension ? Justifier alors l'appellation potentiel d'arrêt donnée à la tension .
24. En considérant que l'énergie du rayonnement incident est intégralement transmise aux électrons libres de la cathode, exprimer le potentiel d'arrêt en fonction de et du travail d'extraction , et justifier l'observation .
25. La figure 4 (c) représente les mesures obtenues par Millikan lui-même, en relevant le potentiel d'arrêt en fonction des longueurs d'onde associées aux différentes raies du mercure. À partir de ces mesures, déterminer la valeur numérique à laquelle il est parvenu pour la constante de Planck , et estimer l'incertitude associée.
26. Justifier que le courant augmente progressivement à mesure qu'on applique une tension croissante et expliquer la limitation du courant à une valeur de saturation, notée .
27. On appelle rendement quantique la probabilité qu'un photo-électron soit émis lorsqu'un photon frappe la cathode. Exprimer en fonction de et justifier l'observation . Reproduire l'allure de la courbe (b), figure 4, pour différentes valeurs de la puissance lumineuse à fréquence fixée, et proposer alors une méthode qui permettrait de déterminer pour la cathode en lithium utilisée ici.
III.B Statistiques d'émission de photons
Dans cette section, on s'intéresse à la distribution de probabilité qui caractérise le nombre de photons émis par une source lumineuse pendant une durée donnée. Deux types de sources sont étudiés : une source thermique et une source laser.
III.B.a Source de rayonnement thermique
Nous avons vu dans la section II.C que le spectre d'un corps noir porté à température non nulle est formé d'une superposition de modes de différentes fréquences. Dans toute la suite, on admettra que le nombre de photons émis à la fréquence pendant une durée suit une statistique de BoseEinstein similaire à celle trouvée en question 19 pour le nombre de photons contenus dans le mode électromagnétique . Ainsi la probabilité qu'une source thermique émette photons à la fréquence pendant la durée s'écrit
où désigne le nombre de photons émis en moyenne sur une durée .
28. Pour caractériser les fluctuations du nombre de photons autour de la valeur moyenne , on utilise l'écart-type (défini dans le formulaire). Déterminer en fonction de .
29. Représenter l'allure de la probabilité en fonction de , en faisant apparaître qualitativement la moyenne et l'écart-type sur le graphique.
III.B.b Source laser
On considère maintenant une source laser monochromatique de fréquence , et de puissance constante . En raison de la nature corpusculaire du rayonnement, le nombre de photons émis pendant une durée donnée est susceptible de fluctuer autour de sa valeur moyenne . On définit le flux de photons comme le nombre moyen de photons émis par unité de temps :
Exprimer le flux en fonction de la puissance incidente . Évaluer numériquement pour une source laser de puissance et de longueur d'onde . En déduire une valeur numérique de la durée qui sépare l'émission de deux photons en moyenne pour une telle source.
De même que précédemment pour une source de rayonnement thermique, on souhaite maintenant déterminer la probabilité que photons soient émis par le laser pendant une durée , choisie suffisamment grande de sorte que le nombre de photons moyen soit un entier naturel bien défini.
31. En supposant que les photons sont émis indépendamment les uns des autres, et en négligeant les émissions multiples dans un intervalle de temps élémentaire (avec le nombre de subdivisions de la durée et ), justifier que la probabilité suit une loi binomiale dont l'expression est donnée par 。
On précisera la signification physique de . Exprimer à l'aide du formulaire sachant que cette loi doit conduire à un nombre moyen de photons émis.
33. En utilisant le formulaire, donner également l'expression de l'écart-type dans la limite . Comparer au cas d'une source de rayonnement thermique (cf. question 28) et interpréter en termes de stabilité de la source.
À partir de l'équivalent de Stirling , on peut montrer que
En développant dans la limite , et en utilisant le résultat (12), montrer que la statistique d'émission de la source laser tend vers une distribution de POISSON, caractérisée par sa seule valeur moyenne :
On admet que pour des nombres moyens de photons , la loi de Poisson peut correctement être approchée par une loi normale, dont la représentation graphique est une gaussienne d'écart-type centrée sur la moyenne .
35. Sur le même graphique, représenter l'allure des lois de probabilité d'un mode thermique et d'une source laser de même fréquence telles que .
III.C Détection de photons et caractérisation expérimentale d'une source
Pour mettre en évidence expérimentalement la statistique d'émission d'une source de lumière, il est nécessaire de pouvoir détecter des photons uniques. Pour cela, on utilise des détecteurs qui fonctionnent sur le principe de l'effet photoélectrique étudié à la section III.A et qui permettent la conversion d'un photon en photo-électron. La collecte des photo-électrons produits permet d'accéder à la statistique d'émission des photons incidents. Nous étudions dans la suite le fonctionnement de l'un de ces détecteurs : le photomultiplicateur, et nous l'utiliserons pour caractériser expérimentalement la statistique d'émission de sources laser et thermique.
III.C.a Fonctionnement d'un photomultiplicateur
Un photomultiplicateur est un détecteur de lumière très sensible, capable de détecter des photons uniques. Il est constitué d'un tube à vide à l'intérieur duquel se trouve une cathode portée au potentiel nul, et une anode collectrice sous haute tension. La cathode et l'anode sont séparées par une série d'électrodes intermédiaires appelées dynodes. Elles sont portées à des potentiels croissants grâce à un générateur de tension continue (à ne pas confondre avec le potentiel d'arrêt de la partie III.A) et un circuit diviseur de tension. Deux dynodes adjacentes étant séparées par une tension où est le nombre de dynodes.
Sous l'effet d'un flux lumineux, des photo-électrons sont susceptibles d'être arrachés à la cathode par effet photoélectrique. Ils sont alors accélérés vers la première dynode, et provoquent en la frappant l'éjection de nouveaux électrons. Le processus se reproduit en avalanche jusqu'à ce que l'anode en sortie collecte un nombre macroscopique d'électrons. Le courant anodique total est finalement récolté sous forme d'une tension sur une résistance de charge . L'observation du signal à l'oscilloscope présente une série de pics aléatoires correspondant chacun à la détection d'un photon. Chaque pic présente une largeur typique de 20 ns correspondant au temps de réponse du photomultiplicateur. Le schéma du principe de fonctionnement du photomultiplicateur et les signaux observés sont représentés sur la figure 5.
Figure 5 - Fonctionnement d'un photomultiplicateur.
On suppose que lorsqu'un électron frappe une dynode, deux nouveaux électrons sont éjectés. Estimer numériquement la hauteur d'un pic de tension occasionné par l'arrivée d'un photon, pour un photomultiplicateur contenant dynodes. On donne .
Le circuit diviseur de tension est composé de résistances identiques en série. Sachant que l'alimentation haute tension délivre une puissance continue de 2 W , déterminer la valeur de pour assurer une différence de potentiel entre deux dynodes successives. Estimer l'énergie cinétique que cela permet de communiquer aux électrons secondaires avant leur impact sur une dynode. Comparer cette énergie au travail d'extraction d'une dynode en phosphure de gallium : .
On définit le taux de comptage en sortie du photomultiplicateur comme le nombre moyen de photons détectés par unité de temps, exprimé en Hz. Donner en fonction de la puissance incidente , du rendement quantique (défini à la question ) et de l'énergie d'un photon de fréquence .
En exploitant la courbe de réponse spectrale représentée sur la figure 6 , estimer numériquement pour un rayonnement incident de longueur d'onde 400 nm , et pour le modèle de photomultiplicateur .
SPECIFICATIONS
Linéarité
Réponse spectrale
Figure 6 - Spécifications du photomultiplicateur. Gauche : taux de comptage en sortie du photomultiplicateur en fonction de la puissance lumineuse relative incidente sur la photocathode. Droite : Courbes de réponse spectrale pour différents modèles de photomultiplicateurs : . On signale que les réponses des modèles et coïncident pour des longueurs d'onde supérieures à 300 nm .
40. Au regard du signal correspondant à la détection d'un photon unique, expliquer pourquoi le domaine de linéarité du photomultiplicateur est limité par son temps de réponse fini. Estimer alors le taux de comptage maximum au-delà duquel la réponse du photomultiplicateur n'est plus linéaire. Comparer aux spécifications de la figure 6. En déduire la puissance lumineuse maximale qui ne doit pas être dépassée pour demeurer dans le régime linéaire avec un rayonnement à 400 nm . Commenter cette valeur.
III.C.b Mesure de la statistique d'émission d'un laser
Nous utilisons le photomultiplicateur précédent pour mettre en évidence la statistique poissonnienne qui caractérise une source laser (obtenue à la question 34). On utilise pour cela un laser à argon fonctionnant à 400 nm , dont la puissance est atténuée à au moyen d'un filtre absorbant. Pour une fenêtre de détection de durée , un circuit électronique permet de compter les pics de tension en sortie du photomultiplicateur et ainsi convertir la tension en un compte de photons .
41. Calculer numériquement le compte moyen et l'écart-type auxquels on s'attend pour une fenêtre de détection de durée sachant que le rendement quantique du photomultiplicateur vaut .
On définit le rapport signal-sur-bruit ( pour signal-to-noise ratio) par le rapport des comptes moyens de photons sur l'amplitude typique des fluctuations :
Proposer un protocole permettant de déterminer si le laser à argon présente bien une statistique d'émission poissonnienne.
III.C.C Mesure de la statistique d'émission d'une source thermique
On cherche ici à mettre en évidence de façon expérimentale la statistique de BOSE-EINSTEIN, définie par l'équation (9), qui caractérise l'émission de photons par une source de rayonnement thermique. On considère pour cela le rayonnement issu d'une lampe à filament de tungstène, pouvant être assimilée à un corps noir dont le maximum d'émission se situe dans l'infrarouge . La largeur spectrale pouvant être détectée par le photomultiplicateur vaut typiquement .
43. Exprimer le temps de cohérence de la lumière émise par la lampe, en fonction de ses caractéristiques spectrales. L'estimer numériquement.
44. En admettant que le temps de cohérence d'une source polychromatique correspond au temps caractéristique de ses variations d'intensité, expliquer pourquoi il est très difficile de mettre en évidence les grandes fluctuations du nombre de photons prévues par la statistique de BoseEinstein pour une telle lampe.
45. L'expression de l'écart-type trouvée pour une source thermique à la question 28 suppose un rayonnement monochromatique. On peut montrer que pour une superposition de modes de fréquences différentes, l'écart-type devient .
Justifier que pour un rayonnement thermique ayant un spectre large, la distribution de BoseEinstein initialement prévue tend vers une distribution de Poisson. Proposer un lien entre ce résultat et le constat réalisé à la question précédente ( ). Comment pourrait-on obtenir une source de lumière qui présente une statistique de Bose-Einstein aux temps de détection accessibles expérimentalement?
Fin du sujet
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