Soit une fonction dans (définie sur et à valeurs dans ). L'objet de ce problème est l'étude de propriétés qualitatives du système d'équations différentielles
où est une fonction définie sur un intervalle de à valeurs dans . La norme euclidienne usuelle de sera notée . et désignera la boule ouverte de centre et de rayon . On notera la partie réelle du nombre complexe . La différentielle de en un point sera notée . Soit et trois réels . On dira qu'une solution de ( ) passe par à l'instant si . Une solution de ( ) sera aussi appelée trajectoire de ( ). On admet le théorème de Cauchy-Lipschitz (avec dépendance en les données initiales), qu'on utilisera sans démonstration :
Théorème de Cauchy-Lipschitz. Soit et . Alors il existe et et une fonction de classe , définie sur , à valeurs dans , telle que
pour tout .
On rappelle d'autre part qu'il existe une unique solution maximale de passant par en . Cette solution est définie sur un intervalle ouvert avec et si (respectivement ) alors (respectivement ).
Un point est dit point critique de si .
Définition 1 (stabilité d'un point critique). Un point critique est dit stable s'il existe tel que, pour tout , il existe une solution de ( ) définie pour tout vérifiant et
Un point critique est dit instable s'il n'est pas stable.
Une solution de est dite périodique si elle est définie pour tout et s'il existe tel que pour tout .
Soit
On dit que est absorbante pour si pour tout tel que et si pour tout tel que .
La première partie du problème établit quelques propriétés de stabilité des points critiques. La seconde partie esquisse une classification topologique des points critiques. La troisième partie est consacrée à la preuve du théorème suivant:
Théorème de Poincaré-Bendixson. Soit . On suppose que est absorbante pour et que n'a pas de points critiques dans . Alors il existe une solution périodique , non constante, avec , pour tout . Les parties 2 et 3 sont indépendantes.
Partie I: Stabilité de points critiques
Soit dans cette partie (avec ) telle que . ) On suppose dans cette question que les parties réelles des valeurs propres de sont strictement négatives. Soit la plus grande des parties réelles des valeurs propres de .
a) Montrer que pour tout il existe un produit scalaire hermitien sur , noté <.|.>, tel que
On pourra commencer par le cas diagonalisable (dans ), avant de traiter le cas où est trigonalisable.
b) Montrer que pour tout il existe un produit scalaire euclidien (toujours noté ) et un réel tel que
pour tout tel que .
c) En déduire que 0 est stable. Montrer que pour tout quand . Montrer par un exemple que l'on n'a pas nécessairement quand . ) On suppose dans cette question que les parties réelles des valeurs propres de sont strictement positives. Montrer que 0 est un point critique instable. ) Montrer par des exemples que si les valeurs propres de sont imaginaires pures, alors on ne peut conclure ni à la stabilité ni à l'instabilité de 0 . ) Soit dans toute cette question et telle que sa différentielle en 0 ait une valeur propre réelle strictement positive et une valeur propre réelle strictement négative .
a) On rappelle que l'exponentielle d'une matrice est définie par
Soit un vecteur. Vérifier que la dérivée de est .
b) Soit un vecteur propre correspondant à la valeur propre . On note . On définit une suite de fonctions par récurrence: et
Vérifier que la suite est bien définie. Montrer qu'il existe et tels que pour tout et pour tout .
c) Montrer qu'il existe tel que la suite de fonctions converge uniformément pour .
d) En déduire que pour assez petit il existe deux trajectoires distinctes et de définies pour telles que et telles que et quand .
e) Montrer de même que pour assez petit il existe deux solutions distinctes et de définies pour telles que et telles que et quand .
Partie II: Stabilité topologique
Soient et deux fonctions admettant 0 pour point critique. On désigne par et les solutions respectives des équations
On dit que et sont topologiquement équivalentes (sous entendu: au voisinage du point critique 0 ) s'il existe un homéomorphisme (bijection continue d'inverse continue) d'un ouvert de contenant 0 dans un ouvert de contenant 0 , envoyant 0 sur 0 , et et , tels que l'égalité suivante ait un sens et ait lieu pour et :
On dit que et sont linéairement équivalentes si et sont deux applications linéaires et s'il existe une application linéaire et inversible telle que pour tous et . ) Soient et deux matrices et , définies sus par et pour tout . Montrer que et sont linéairement équivalentes si et seulement si et sont deux matrices semblables. ) Soient et définies comme dans la question précédente.
a) On suppose que les parties réelles de toutes les valeurs propres de sont strictement négatives et qu'il existe une valeur propre de réelle strictement positive. Montrer que et ne sont pas topologiquement équivalentes.
b) On suppose que et n'ont que des valeurs propres de partie réelle nulle. et sont elles toujours topologiquement équivalentes?
c) On suppose que les parties réelles des valeurs propres de et sont strictement négatives. Montrer que et sont topologiquement équivalentes. Peut-on toujours choisir de classe ainsi que son inverse? ) Soit telle que sa différentielle en 0 n'ait que des valeurs propres de partie réelle strictement négative. Montrer que les fonctions et sont topologiquement équivalentes. ) Montrer que pour tout entier il existe telle qu'il existe exactement solutions maximales distinctes de ( ) tendant vers 0 quand tend vers , et exactement solutions maximales distinctes tendant vers 0 quand tend vers . On pourra se contenter d'un dessin précis donnant l'allure des orbites. En déduire qu'il existe un nombre infini de classes d'équivalence pour la relation «être topologiquement équivalent à».
Partie III : Existence d'une solution périodique
On se place dans cette partie en dimension . On dit qu'un segment de est transverse pour si sur ce segment et si n'est jamais colinéaire au vecteur quand . Le candidat est invité à s'aider de dessins dans la recherche des solutions aux questions, en particulier pour les questions 1d et 1e, et pourra utiliser sans démonstration le théorème de Jordan, énoncé ci-après.
Théorème de Jordan. On appelle courbe de Jordan l'image d'une application continue telle que et pour . Le complémentaire d'une courbe de Jordan a deux composantes connexes («l'intérieur» et «l'extérieur») dont une seule est non bornée. ) Montrer que:
a) Pour tout tel que , il existe et , avec et , tel que le segment soit transverse pour .
b) Soit un segment transverse. Toutes les courbes solutions de ( ) qui le traversent le traversent dans le même sens.
c) Soit un segment transverse. Pour tout et pour tout , il existe vérifiant la propriété suivante: pour toute solution de passant à l'instant 0 en un point de , il existe tel que et .
d) Une solution périodique de coupe un segment transverse en au plus un point.
e) Supposons qu'une solution non fermée coupe un segment transverse en un nombre fini de points aux temps respectifs avec . Alors les sont ordonnés sur le segment . ) Soit une solution de ( ) définie pour tout et soit la courbe
On suppose de plus que . On définit
Montrer que est fermé et invariant (c'est-à-dire que si , toute solution de avec définie sur un intervalle vérifie pour tout . ) Si et ont un point commun non singulier, montrer que est une solution périodique. On pourra considérer un segment transverse passant par et utiliser les propriétés démontrées en 1. ) Montrer que est le graphe d'une solution périodique de . ) En déduire le théorème de Poincaré-Bendixson. ) Montrer que le théorème de Poincaré-Bendixson est faux si on remplace « n'a pas de points critiques dans » par «tous les points critiques de dans sont instables» (le candidat pourra se contenter de dessiner soigneusement un contre-exemple et ne vérifiera pas que ). Trouver une bonne condition sur les points critiques pour que le théorème soit encore vrai.
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