Le but de ce sujet est de modéliser la répartition spatiale d'une espèce sur une suite ( ) de territoires indicés par les nombres entiers naturels ou relatifs, où, pour tout , les territoires et sont voisins géographiquement.
Le nombre réel positif désignera la densité de population présente sur . Dans l'interprétation classique, les territoires forment un chapelet d'îles alignées, et l'espèce est un Oiseau ou un Amphibien dont les individus migrent d'île en île. Une autre interprétation consiste à considérer les ( ) comme des organismes sessiles (fixés au sol) susceptibles d'être infectés par les individus d'une espèce parasite , qui se propagent séquentiellement d'un hôte parmi les à un autre.
Le sujet comporte trois parties indépendantes, présentées par ordre de difficulté croissante, mais pouvant être traitées dans un ordre quelconque.
Les candidats composeront sur des copies séparées pour chaque partie, en les identifiant clairement. Ils et elles veilleront au soin de la présentation, à la rigueur et à la concision des raisonnements.
Notations
L'ensemble des entiers naturels est noté lorsqu'il est privé de 0 , et autrement. L'ensemble des entiers relatifs est noté et l'ensemble des nombres réels .
Pour deux ensembles A et B quelconques, on note de manière usuelle si , ; et si .
Pour toute fonction et toute fonction non nulle sur un intervalle I contenant 0 , on écrit pour :
L'espérance mathématique d'une variable aléatoire réelle est notée et sa variance . La covariance de deux variables aléatoires réelles X et Y est notée .
Rappel
Soit une suite réelle satisfaisant la relation de récurrence linéaire d'ordre suivante :
Soit P le polynôme de degré associé
et racines distinctes de P . Il est alors immédiat que pour tout -uplet de nombres réels ( ), la suite définie par
est solution de (1).
On admettra la réciproque suivante : si P a racines distinctes ( ), toute suite solution de (1) s'écrit sous la forme :
Première partie : migration aux plus proches territoires
Le but de cette partie est d'établir quelques résultats simples sur la dynamique de cette population lorsque sont seuls possibles les mouvements d'un territoire vers ses deux voisins immédiats (voir figure 1). La densité de population de au temps est notée .
Fig. 1 - Une représentation de la suite des territoires ( ) et des mouvements de population entre territoires adjacents.
A Migration unidirectionnelle
Dans cette sous-partie, les individus ne peuvent migrer que vers la droite, c'est-à-dire du territoire vers .
La dynamique est modélisée par l'équation différentielle suivante, pour tout :
Interpréter cette équation ainsi que le réel positif .
Écrire et établir l'équation différentielle vérifiée par .
Dans le reste de cette sous-partie, on se donne la condition initiale :
a) Montrer que pour tout temps et .
b) Calculer , pour tout .
c) Proposer une expression générale pour , et la démontrer par récurrence sur .
a) Exprimer en fonction de et . Nommer cette distribution, et rappeler sans démonstration la quantité de population totale et la position moyenne de la population , c'est-à-dire :
b) Préciser les limites, lorsque , de et . Interpréter.
B Migration bidirectionnelle
À présent les migrations sont possibles dans les deux sens, mais pas de vers .
Soient et deux réels positifs. Les équations gouvernant la dynamique de la population sont maintenant :
Interpréter ces équations ainsi que les réels et . Donner une relation entre et quand la population est à l'équilibre.
Dans la suite de cette sous-partie, désignera la densité de population présente sur le territoire quand la population est à l'équilibre.
6. a) Que devient cette relation lorsque ? Poser alors et montrer que la suite est constante. En déduire en fonction de et .
b) Lorsque , écrire sous la forme
où sont deux réels à déterminer.
On suppose désormais qu'initialement la quantité de population totale est finie et vaut 1 .
7. Montrer que si , le seul équilibre possible est , pour tout . Comparer avec la question 4.b)
8. Calculer l'équilibre final lorsque . Nommer cette distribution et rappeler sa moyenne .
Deuxième partie : migration à longues distances
Comme dans la sous-partie précédente, les migrations de proximité sont bidirectionnelles avec une barrière à gauche du territoire (pas de transfert de vers ). Mais à présent, il s'agit de modéliser, en plus des migrations de proximité, les échanges de population entre territoires éloignés.
Si de tels territoires sont choisis au hasard parmi les premiers, où est un entier qu'on considérera fixé dans un premier temps ( ), la dynamique de la densité de population , pour tout , est gouvernée par l'équation dite de champ moyen :
Le but de la prochaine sous-partie est de déterminer quand l'on peut faire tendre vers . En d'autres termes, il s'agit de savoir à quelles conditions l'on peut définir la densité moyenne globale sur l'ensemble des territoires colonisés, c'est-à-dire la limite quand des quantités , appelées moyennes de Cesàro.
A Moyennes de Cesàro
On note l'ensemble des suites à valeurs réelles, et le sous-ensemble de constitué des suites telles que
Lorsqu'elle existe, une telle limite sera appelée MCL (pour moyenne de Cesàro limite). On désignera par (respectivement ) le sous-ensemble de formé des suites convergentes (respectivement bornées).
Rappeler sans démonstration une relation d'inclusion entre et .
Montrer que est non vide, et que n'est pas égal à tout entier.
Montrer que contient l'ensemble des suites périodiques et exprimer la MCL d'une suite de période T à l'aide de .
Le but de cette question est de montrer que . Considérons à cette fin la suite définie par
a) Montrer que pour tout et pour tout ,
b) Montrer que la suite converge, donner sa limite et conclure.
5. Le but de cette question est de montrer que . Soit un entier naturel tel que et . Soit la suite définie par
On définit ensuite :
a) Calculer et pour tout entier .
b) Établir que
c) Conclure.
6. L'objectif de cette question est de montrer que (théorème de Cesàro).
a) On suppose dans un premier temps que , et on se donne . Montrer qu'il existe N tel que pour tout
Montrer qu'il existe tel que pour tout
a-iii) En déduire que .
b) Lorsque la suite converge vers une limite quelconque , considérer la suite définie par et conclure.
B Migration à longues distances et densité moyenne constante
Dans cette sous-partie, on suppose qu'au temps , la population admet une densité moyenne , appelée moyenne de Cesàro limite, strictement positive
où pour tout temps
On suppose qu'en plus des mouvements aux territoires les plus proches, les échanges de populations se font également «uniformément au hasard » parmi tous les territoires . On admettra que pour tout , la suite admet une moyenne de Cesàro limite . Les équations de champ moyen qui régissent cette dynamique sont alors données par
On suppose également qu'au temps , la suite est bornée.
7. a) Expliquer pourquoi la suite reste bornée pour tout temps .
b) Établir l'équation différentielle satisfaite par .
c) Montrer que pour tout .
8. Considérer la densité résiduelle et écrire le système d'équations différentielles vérifié .
Dans la suite de cette sous-partie, désignera cette densité résiduelle quand la population est à l'équilibre.
9. Écrire sous la forme
où sont deux réels à déterminer.
10. Donner le signe de , le signe de , et la position de et par rapport à 1 . En déduire que .
11. Soient et . Dans cette question uniquement, on s'intéresse au cas où est négligeable devant .
a) Donner l'interprétation biologique de cette hypothèse et sa conséquence mathématique pour le paramètre .
b) Cas . Montrer que , où est un réel positif à déterminer.
c) . Montrer que
où sera exprimé en fonction de .
d) . Montrer que
où sera exprimé en fonction de .
12. a) Calculer en fonction de et .
b) En distinguant les cas et , donner le signe de et interpréter.
c) Lorsque , vérifier que pour tout . Représenter l'allure de en fonction de , selon la position de par rapport à 1 .
Troisième partie : migration aléatoire
Dans cette dernière partie, on ne considère plus la densité moyenne de l'espèce sur chaque territoire , mais, de façon plus précise, le nombre d'individus présents sur , qui est une variable aléatoire à valeurs dans .
La dynamique de cette population est discrète, c'est-à-dire que les migrations se font uniquement aux temps De plus, on suppose que tous les individus se déplacent indépendamment les uns des autres, et qu'à chaque temps , un individu présent sur le territoire
où . Tous les territoires sont indifféremment accessibles (il n'y a de barrière nulle part).
Dans cette dernière partie, pour toute question dont le résultat est donné, il n'est pas demandé de faire de longues démonstrations mais de donner des justifications rigoureuses à l'aide d'arguments précis.
A Comportement asymptotique de la population
On s'intéresse dans cette question au sort d'un individu initialement en . On désigne sa position au temps , c'est-à-dire le numéro du territoire qu'il occupe au temps , par (en particulier ).
a) Montrer qu'on peut écrire sous la forme :
où les variables aléatoires sont indépendantes et identiquement distribuées, et dont on précisera la loi.
b) Calculer , puis et .
2. a) Montrer que si , alors .
b) On suppose qu'au temps , tous les territoires sont occupés par au moins un individu. Établir pour tout et pour tout temps les deux égalités :
éé
On suppose dans cette question que .
a) Énoncer la loi des grands nombres pour la suite . En déduire , en distinguant les cas et .
b) Comparer avec le résultat de la question 2.b) : si la quantité de population initiale ( ) était finie, que deviendrait ce résultat (distinguer les cas et )?
B Covariances spatiales à l'équilibre
On suppose désormais qu'au temps , tous les territoires sont occupés par exactement un individu.
Résultat admis. Soient deux variables aléatoires entières, non nécessairement indépendantes, et deux nombres réels de l'intervalle . Pour , on définit (sachant ) comme une variable binômiale de paramètres et . On admettra alors que
Pour simplifier les notations, on omettra la mention explicite du temps en écrivant pour , et pour .
Justifier que pour tout ,
où sont des variables aléatoires entières, qui, sachant , sont indépendantes et telles que
ôèôèôè
Expliquer pourquoi ne dépend que de .
On désignera donc dorénavant par .
Montrer que .
6. a) Soient .
Exprimer en fonction de et .
b) Montrer que les covariances entre quantités de population à l'équilibre sont reliées par l'équation suivante
où l'on a noté
a) Expliciter le polynôme P de degré 4 associé à cette relation de récurrence linéaire.
b) Montrer que si est racine de P , alors également. Expliquer pour quelle raison.
c) Trouver une racine évidente de P et montrer que c'est une racine double.
d) Exprimer alors les deux autres racines et de P , en fonction de . Montrer que et sont négatives, et interpréter.
a) Montrer que et donner la position de et par rapport à -1 .
b) Expliquer pourquoi . Exprimer chacune des suites et sous la forme d'une suite géométrique.
c) Montrer que si , alors la covariance à l'équilibre entre deux territoires distants de vaut
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