J-0
00m
00j
00h
00min
00s

Version interactive avec LaTeX compilé

ENS Physique PSI 2020

Notez ce sujet en cliquant sur l'étoile
0.0(0 votes)
Logo ens
2025_09_04_0138c422a071c02ed0c5g

JEUDI 23 AVRIL 2020-08h00-14h00 FILIÈRE PSI

ÉPREUVE DE PHYSIQUE(U)

Durée : 6 heures
L'utilisation des calculatrices n'est pas autorisée pour cette épreuve
Si le (la) candidat(e) repère ce qui lui semble être une erreur d'énoncé, il (elle) le signale lisiblement sur sa copie, propose la correction, et poursuit l'épreuve en conséquence.
Les applications numériques seront données avec un chiffre significatif.
Le sujet comporte 13 pages numérotées de 1 à 13.

Début du sujet

Notations

  • Dans le sujet, on note en gras un vecteur , sa norme est notée
  • sur sa copie, le (la) candidat(e) pourra utiliser la notation
  • dans le repère cartésien ( ), on décompose
  • on écrit le vecteur position
  • dénote le produit scalaire de et
  • dénote le produit vectoriel de et
  • on note l'opérateur différentiel nabla qui, en coordonnées cartésiennes, s'écrit
  • dénote le gradient dénote la divergence div représente le Laplacien scalaire dénote le rotationnel
  • on note i l'unité imaginaire, telle que

Identités mathématiques

  • Identité de Taylor-Young pour suffisamment différentiable en :
  • intégration par partie sur un volume délimité par une surface fermée :
avec est le vecteur unitaire perpendiculaire à la surface en , et sont les éléments de surface et de volume
— pour (théorème de Green-Ostrogradski)


Constantes mathématiques


Grandeurs physiques

  • Charge du proton : A s
  • masse de l'électron :
  • perméabilité magnétique du vide :
  • constante de Boltzmann

Valeurs typiques pour des alliages de fer

  • Distance inter-atomique :
  • énergie d'échange :
  • constante d'anisotropie :
  • coefficient de dissipation magnétique :

Micromagnétisme

Figure 1 - Un échantillon ferromagnétique de volume délimité par une surface fermée . (a) Zoom : les atomes composant l'échantillon portent des moments magnétiques, . Ici, les atomes sont arrangés dans une structure cristalline cubique; chaque atome a six "plus proches voisins" à une distance . (b) Plutôt que de décrire chaque moment individuel, le micromagnétisme consiste à décrire le moment magnétique moyen par unité de volume, appelé aimantation .
Les matériaux ferromagnétiques, comme le fer, le nickel ou le cobalt, présentent une aimantation spontanée lorsque leur température est inférieure à une température critique, dite de Curie, ( ). Les électrons autour de chaque noyau atomique à la position sont à l'origine d'un moment magnétique qui est décrit par un vecteur de norme constante, voir Fig. 1(a). La théorie du micromagnétisme consiste à remplacer cette description discrète en termes des moments magnétiques localisés sur chaque atome par une description en termes d'une fonction continue de l'espace et du temps : le moment magnétique moyen par unité de volume, appelé vecteur aimantation, ; voir Fig. 1(b). Un matériau ferromagnétique est rarement uniformément aimanté : peut varier en direction dans l'espace et le temps, mais conserve une norme uniforme et constante, c'est-à-dire .
Figure 2 - L'aimantation est un vecteur de norme constante dont la direction est paramétrée par les angles et . On a représenté le repère sphérique local ( ) avec .
Le sujet est constitué de trois parties très largement indépendantes. Les aspects statiques de l'aimantation, c'est-à-dire avec , seront étudiés dans une première partie. La seconde partie étudiera la dynamique de l'aimantation dans les cas où l'aimantation est uniforme dans l'espace, c'est-à-dire avec . Enfin, la troisième partie abordera une application du micromagnétisme aux mémoires informatiques.
Question 1. Donner les unités d'un moment magnétique et de l'aimantation spontanée dans les unités de base du système international (m, kg, s, A, K).

Première partie

Statique

1.1 Énergie d'un échantillon magnétique

L'énergie d'un échantillon magnétique de volume sous l'influence d'un champ magnétique externe est composée de : l'énergie d'échange, l'énergie d'anisotropie, l'énergie de démagnétisation, et l'énergie de Zeeman :
Ces termes sont étudiés un par un ci-dessous.

1.1.1 Énergie d'échange

L'interaction d'échange est une interaction à courte portée entre deux moments magnétiques voisins. L'énergie d'échange entre deux moments magnétiques et , portés par des atomes et situés en et respectivement, est donnée par
avec la constante et est la densité volumique des moments magnétiques dans le matériau (supposée uniforme et constante).
Question 2. Cette interaction favorise-t-elle l'alignement ou l'anti-alignement des moments magnétiques?
L'énergie d'échange entre tous les moments magnétiques de l'échantillon est donc
où la somme s'effectue sur toutes les paires de "plus proches voisins", notées . On se placera dans le cas où les atomes magnétiques sont disposés dans une structure cristalline cubique, comme representée sur la Fig. 1(a). Deux atomes "plus proches voisins" sont séparés par une distance .
Question 3. Exprimer , la densité volumique des moments magnétiques, en termes de .
Pour passer de l'ensemble discret des à la fonction continue , on écrit est la position de l'atome, et on fait l'hypothèse que les variations de la fonction s'opèrent sur des distances beaucoup plus grandes que la distance entre deux "plus proches voisins".
Question 4. Lorsque les atomes et sont "plus proches voisins", en introduisant , montrer que au premier ordre non-nul en .
La somme sur toutes les paires de "plus proches voisins" peut être formellement réécrite , où la présence du facteur dans le terme de droite permet de ne pas comptabiliser deux fois chaque paire.
Question 5. En remarquant que dans le cas d'une structure cristalline cubique prend les valeurs [voir Fig. 1(a)], passer à la limite du continu, c'est-à-dire échanger par , et montrer que l'énergie d'échange peut s'écrire, à une constante additive près, comme
et est le volume de l'échantillon.
Question 6. À l'aide du formulaire, montrer que l'expression (4) peut finalement s'écrire
Question 7. Quelles configurations de l'aimantation minimisent ? (Une démonstration n'est pas requise.)

1.1.2 Énergie d'anisotropie

L'environnement direct d'un moment magnétique, comme par exemple le champ électrostatique créé par les ions qui forment la structure cristalline, agit sur sa direction en favorisant certaines directions dans l'espace. Le cas le plus courant est celui de l'anisotropie uniaxiale pour laquelle l'énergie correspondante a pour expression
est un vecteur unitaire et est une contante qui dépendent tous deux du matériau considéré.
Question 8. Quelles configurations de l'aimantation sont favorisées par ? (Une démonstration n'est pas requise.)

1.1.3 Énergie de démagnétisation

Dans un matériau ferromagnétique, on distingue les densités de courants électrique des charges libres et liées : é. Les courants liés sont responsables de l'aimantation : é. De plus, chacun de ces courants liés produit un champ ressenti par les autres moments magnétiques. Le champ magnétique en un point de l'échantillon est donc la somme du champ dû à l'aimantation locale et du champ créé par tous les autres moments magnétiques présents dans l'ensemble de l'échantillon. On introduit le vecteur d'excitation magnétique (parfois appelé champ démagnétisant) tel que .
Question 9. En l'absence de courant de charges libres, , montrer que dérive d'un potentiel tel que , et que le problème se ramène à l'équation de Poisson suivante
À l'interface de deux milieux magnétiques 1 et 2 , le potentiel est continu, c'est-à-dire et sont infiniment proches et de part et d'autre de l'interface, mais sa dérivée dans la direction normale à l'interface est discontinue.
Question 10. En sélectionnant soigneusement une surface fermée à l'interface des milieux 1 et 2 , démontrer la relation de passage
est le vecteur unitaire normal à l'interface, orienté de 1 vers 2 .
Par analogie avec l'équation de Poisson électrostatique, la quantité peut être interprétée comme une densité volumique de charge magnétique et comme sa densité surfacique. L'énergie associée à des densités de charge électrique et dans un potentiel électrostatique est donnée par
est la surface fermée délimitant le volume .
Question 11. En utilisant cette analogie et à l'aide du formulaire, montrer que l'énergie magnétique correspondante, dite énergie de démagnétisation, s'écrit
Figure 3 - Échantillon magnétique ellipsoïdal.
L'équation de Poisson (7) révèle que le vecteur d'excitation magnétique dépend de l'aimantation . On ne résoudra pas cette équation dans le cas général, mais on se placera dans le cas d'un échantillon ellipsoïdal dont les axes principaux de l'ellipsoïde coïncident avec le repère cartésien ( ), voir Fig. 3. On admettra que la solution est donnée par
, et sont des coefficients positifs qui dépendent de la géométrie précise de l'échantillon mais vérifient nécessairement .
Question 12. Donner , et dans le cas d'un échantillon sphérique.

1.1.4 Énergie de Zeeman

Si un champ magnétique externe est appliqué, il contribue à l'énergie (plus précisément à l'enthalpie) totale via le terme
Question 13. Quelle configuration de l'aimantation est favorisée par ? (Une démonstration n'est pas requise.)

1.2 Équilibre magnétique

On cherche à déterminer les états d'équilibre de l'aimantation en identifiant les extrema de l'énergie , c'est-à-dire les configurations de l'aimantation pour lesquelles
où la variation est calculée au premier ordre en , une variation arbitraire infinitésimale de l'aimantation : . Pour alléger les notations, on omet ici et dans ce qui suit d'écrire les dépendences explicites en de , , et .
Question 14. Montrer, en calculant au premier ordre en , que la norme constante de l'aimantation impose de considérer uniquement des variations transverses de l'aimantation, c'est-à-dire perpendiculaire à .
On remarquera qu'on peut donc écrire la variation avec un vecteur de direction arbitraire en tout point de l'espace et .
Question 15. Calculer la variation et montrer que
Question 16. Montrer que
Question 17. Montrer que
Question 18. Montrer que pour un échantillon magnétique ellipsoïdal
Question 19. Montrer que peut s'écrire sous la forme
et donner l'expression du champ magnétique effectif .
rassemble les contributions des interactions d'échange, d'anisotropie, de démagnétisation et du champ externe. On notera que, dans le cas général, il dépend de l'aimantation.
Question 20. Justifier que les états d'équilibre sont ainsi donnés par les équations suivantes, dites équations de Brown,

1.3 Paroi de domaine magnétique

Figure 4 - Paroi entre deux domaines magnétiques.
Dans la plupart des cas, comme pour le fer, un matériau ferromagnétique est constitué de multiples domaines à l'intérieur de chacun desquels le vecteur aimantation est uniforme. Ces domaines sont séparés par des régions de transition, appelées parois de domaines magnétiques, où la direction de l'aimantation varie spatialement.
On cherche à estimer l'épaisseur typique de ces parois, c'est-à-dire la longueur typique sur laquelle l'aimantation change de direction entre deux domaines. Pour cela, on considère deux domaines magnétiques semi-infinis comme représentés sur la Fig. 4, avec les conditions aux limites et . La paroi de domaine est ainsi parallèle au plan et on détermine son épaisseur dans la direction . On cherche donc une solution à la première équation de Brown (19) qui est invariante par translation selon et .
Question 21. En admettant que la solution (11), , est encore valable dans cette géométrie (et ), utiliser une équation de Maxwell pour montrer que l'angle entre et est une constante que l'on précisera.
La solution est donc uniquement déterminée par la donnée de l'angle entre et . On peut donc chercher une solution sous la forme . Pour simplifier, on négligera l'énergie de démagnétisation devant celle d'anisotropie en prenant , on prendra l'anisotropie selon , et aucun champ externe appliqué, c'est-à-dire .
Question 22. En utilisant la valeur de obtenue à la Question 21, refaire le schéma de la Fig. 2 en projection dans le plan ( ). Exprimer et , les composantes de dans le repère sphérique local, en termes de et de sa dérivée seconde.
Question 23. Réécrire la première équation de Brown (19) dans le repère sphérique local, et montrer que l'angle obéit à l'équation
où l'on donnera l'expression de .
Question 24. En ramenant au préalable l'équation précédente à une équation différentielle du premier ordre, calculer explicitement . On rappelle la primitive ln pour et on pourra prendre à . Identifier la longueur typique qui sépare les deux domaines magnétiques. Évaluer numériquement .

Deuxième partie Dynamique

Les équations de Brown (19) permettent de calculer les états d'équilibre de l'aimantation, mais ne renseignent ni sur leur stabilité ni sur la manière dont ces états sont formés. Dans ce qui suit, on étudie la dynamique de l'aimantation. Pour simplifier, on se placera dans le cas où l'échantillon de volume n'est composé que d'un seul domaine magnétique où l'aimantation est uniforme : . Cette situation est attendue pour les échantillons de petite taille devant , si la condition initiale et si sont eux-même uniformes.

2.1 Précession de Larmor

On rappelle le principe fondamental de la dynamique en rotation :
est le moment cinétique et est le moment des forces appliquées. Les électrons dans les atomes ont deux types de moments cinétiques : orbital et de spin . Le moment cinétique orbital est dû au mouvement de l'électron autour du noyau atomique. Le spin, quant à lui, prend son origine dans la mécanique quantique; il n'a pas d'analogue classique. Le moment cinétique total est simplement la somme .
Question 25. Donner les unités d'un moment cinétique dans les unités de base du système international (m, kg, s, A, K).
Question 26. En négligeant pour un temps le caractère quantique de l'électron, c'est-àdire son spin, et en considérant un électron de charge et de masse sur une trajectoire circulaire uniforme autour d'un noyau atomique, montrer que son moment magnétique est proportionnel à son moment cinétique orbital, c'est-à-dire . Pour cela, on pourra exprimer tour à tour et en termes du rayon de l'orbite de l'électron et de sa période de révolution , ainsi que des autres données du problème. Donner l'expression du rapport gyromagnétique . Évaluer numériquement .
En prenant maintenant en compte le spin de l'électron, on admettra que avec un rapport gyromagnétique . La dynamique d'un moment magnétique en présence d'un champ magnétique est donc donnée par l'équation de Larmor
On rappelle que dans un matériau magnétique, on définit le moment magnétique moyen par unité de volume, appelé vecteur aimantation, qui est ici supposée uniforme : . L'aimantation subit l'action d'un champ magnétique effectif , décrit dans la Partie 1.
Question 27. En partant de l'équation de Larmor, donner sans autre forme de justification l'équation d'évolution de l'aimantation dans son champ magnétique effectif .
Question 28. Vérifier que cette équation conserve la norme de l'aimantation.
La dynamique de l'aimantation décrit donc des trajectoires sur la surface d'une sphère de rayon , voir Fig. 2.
Question 29. Montrer que les états stationnaires de l'aimantation correspondent aux états d'équilibre solutions de la première équation de Brown (19).
Question 30. Dans le cas simple où le champ magnétique effectif est statique, soit avec , montrer que l'énergie est constante. Pour une condition initiale quelconque, l'équation de Larmor (22) permet-elle de rendre compte de la relaxation de l'aimantation vers un état d'équilibre stable?
Par "renversement du temps", on désigne l'opération qui consiste à renverser le déroulé du film d'une action. Ainsi, une particule se déplaçant à une vitesse et une accélération apparaît se déplacer à la vitesse et une accélération après renversement du temps.
Question 31. Comment se transforme un champ magnétique si l'on renverse la flèche du temps? (On pourra s'aider du fait qu'un champ magnétique peut être vu comme résultant d'une charge électrique en rotation.)
Question 32. Comment se transforment et par renversement du temps? Comment se transforme l'équation de Larmor après un renversement du temps?

2.2 Dissipation

Pour expliquer la relaxation du système magnétique vers son état d'équilibre stable, on doit prendre en compte le phénomène de friction magnétique dû à l'environnement magnétique (l'aimantation résiduelle des noyaux atomiques, des autres atomes non-magnétiques, etc). Cela se traduit par l'équation de Landau-Lifshitz-Gilbert (LLG) :
est une petite constante sans dimension qui depend du matériau, .
Question 33. Vérifier que l'équation de LLG conserve la norme de l'aimantation.
Question 34. Montrer que l'équation de LLG peut se mettre sous la forme suivante, dite de Landau-Lifshitz (LL),
sera donné en termes de et . Justifier que .
Question 35. Représenter les deux moments de l'équation de Landau-Lifshitz agissant sur sur le schéma de la Fig. 2 qui aura été préalablement recopié en projection dans le plan dans le cas (on choisira orienté selon ).
Question 36. Dans le cas simple où le champ effectif est statique, soit avec , montrer que l'énergie est une fonction décroissante du temps, permettant ainsi la relaxation de l'aimantation vers un état d'équilibre stable quelle que soit sa condition initiale.
Question 37. Dans le cas où l'on applique un champ magnétique dépendant du temps, c'est-à-dire , la variation donne lieu à deux termes distincts. En argumentant succintement, identifier le terme qui peut être interprété comme un travail par unité de temps, noté , et celui qui peut être interprété comme une chaleur échangée avec l'environnement par unité de temps, noté .
Question 38. Donner la forme de l'équation de LLG après un renversement du temps. Quelle est l'influence du terme proportionnel à sur cette dynamique?

2.3 Susceptibilité

On s'intéresse à la dynamique des perturbations de l'aimantation autour de sa valeur d'équilibre lorsqu'on varie infinitésimalement le champ magnétique externe autour de sa valeur statique . On pose et , avec et . Pour simplifier, on considère un matériau isotrope, c'est-à-dire , et on néglige la démagnétisation en prenant . On commence l'étude en négligeant aussi la dissipation, c'est-à-dire en prenant , de telle sorte que seul contribue à .
Question 39. Montrer, à l'ordre le plus bas en et , que obéit à l'équation
Question 40. En utilisant le résultat de la Question 14 pour la perturbation initiale et l'équation ci-dessus pour les temps , montrer que la perturbation est perpendiculaire à à tout temps .
L'équation différentielle ci-dessus est linéaire, à coefficients constants, et on peut chercher des solutions à des perturbations harmoniques à la fréquence en passant en représentation de Fourier. Pour cela, on remplace et par et , respectivement, où et sont des amplitudes complexes. Pour simplifier, on prendra , et .
Question 41. Montrer que la susceptibilité longitudinale et la susceptibilité transverse sont données par
où la fréquence et la fréquence de résonance seront exprimées en termes des données du problème.
Question 42. En prenant maintenant en compte la dissipation telle qu'introduite à l'équation (23), soit , montrer que obéit à l'équation d'un oscillateur harmonique amorti forcé avec pour équation (puisque , on négligera le terme d'ordre et la correction d'ordre au terme de forçage)
Exprimer en termes des données du problème.
Question 43. Donner la relation de proportionalité entre et , à l'ordre 0 en .
Question 44. En utilisant les réponses aux deux dernières questions et en repassant en notation réelle, calculer et dans le cas où la variation du champ magnétique est nulle et la perturbation initiale de l'aimantation est orientée selon , c'est-à-dire . Tracer la solution dans le plan ( ), paramétriquement en .

Troisième partie Magnetoresistive Random-Access Memory

Les ordinateurs modernes font appel à plusieurs types de mémoires. La mémoire cache, positionnée au plus près du processeur central, doit être rapide quitte à être relativement coûteuse. La mémoire principale est généralement une mémoire vive dynamique (DRAM) à base de semi-conducteurs; elle est volatile en cela qu'elle nécessite un apport constant d'énergie pour conserver l'information entreposée. Le stockage de masse, non-volatile, est lui typiquement assuré par la mémoire flash ou les disques durs magnétiques.
Ici, on s'intéresse à une nouvelle alternative à la DRAM : la MRAM, pour Magnetoresistive Random-Access Memory. C'est une mémoire vive basée sur les principes du micromagnétisme étudiés dans les deux premières parties. La MRAM promet de combiner robustesse, non-volatilité, grande vitesse de lecture et d'écriture, faible consommation électrique, le tout à un coût modéré.

3.1 Écriture par transfert de spin

On dit qu'un courant électrique est polarisé en spin lorsque les électrons participant au courant portent un moment cinétique de spin orienté selon un même vecteur unitaire . Lorsqu'un courant polarisé en spin traverse un domaine magnétique, il y a un échange de moment cinétique entre les électrons qui participent au courant et ceux qui gravitent autour des atomes de l'échantillon magnétique (selon la conservation du moment cinétique total). Cela se traduit par un transfert de moment magnétique entre le courant polarisé en spin et l'aimantation de l'échantillon. Ce phénomène, appelé transfert de spin (TS), peut être utilisé pour manipuler l'aimantation qui encode les bits d'information dans une MRAM. On étudie le dispositif représenté sur la Fig. 5. Les électrons se déplacent selon . Conventionnellement, cela se traduit par un courant électrique . Le courant est d'abord polarisé en spin en le faisant passer à travers une première couche ferromagnétique F 1 , dite de référence, aimantée uniformément selon . On admet qu'elle est suffisament épaisse pour polariser tous les spins électroniques qui composent le courant dans la direction sans que soit sensiblement affecté. Après avoir traversé une très fine couche non-magnétique, le courant pénètre dans une seconde couche ferromagmétique F2, dite de stockage. F2 est cylindrique de section et d'épaisseur . Son aimantation est supposée uniforme, c'est-à-dire , et de norme constante .
Figure 5 - Principe d'écriture magnétique par transfert de spin. Une couche de référence F1 est aimantée selon . En la traversant, les électrons du courant se polarisent en spin, puis viennent manipuler l'aimantation de la couche de stockage, .
Le courant polarisé en spin exerce un moment sur . On admettra donc que pour une faible dissipation et un faible courant, on peut simplement remplacer l'équation de Landau-Lifshitz (24) par
où le champ magnétique effectif a été introduit et discuté dans la Partie 1 , où et ont été introduits et discutés dans la Partie 2, et où
avec une grandeur discutée ci-dessous.
Question 45. Calculer la norme de , et justifier que est la quantité maximale de moment cinétique absorbée par la couche F2 par unité de volume et de temps.
Question 46. Discuter l'action du moment sur sur le schéma de la Fig. 2 qui aura été préalablement recopié en projection dans le plan ( ) dans le cas .
Question 47. En supposant que le transfert de spin a lieu pour chacun des électrons qui traversent F2, exprimer en termes du courant , de la charge électrique d'un electron , du moment cinétique échangé par chaque électron, noté , et des autres données du problème.
On considérera le cas où le champ effectif est statique et orienté dans la même direction que avec .
Question 48. En utilisant l'équation (28), donner l'expression de pour laquelle l'effet de la dissipation est exactement compensé par le transfert de spin.
Question 49. Donner l'expression du courant critique pour laquelle l'effet de la dissipation est exactement compensé par le transfert de spin.
Question 50. On rappelle que l'énergie s'écrit . Exprimer la variation temporelle de l'énergie, , en fonction de , et des autres données du problème.
Le transfert de spin peut donc être utilisé pour manipuler la direction d'un moment magnétique, c'est-à-dire écrire un bit d'information (0 ou 1).
Question 51. Quel est l'état stationnaire de l'aimantation lorsque , et lorsque ?

3.2 Stabilité thermique

Pour les applications à la mémoire numérique, une caractéristique clef est la durée pendant laquelle les informations qui y ont été écrites peuvent être conservées sans altération.
On considère la situation où une fois le bit d'information écrit, on laisse le dispositif au repos à la température , sans appliquer de champ magnétique externe, ni de courant électrique. Le matériau de la couche F2 est choisi pour exhiber une forte anisotropie selon avec . On admettra que le vecteur d'excitation magnétique est donné par la relation (11) avec et .
Question 52. En se référant à la Partie 1, exprimer l'énergie de la couche de stockage F2 seule, .
Question 53. Tracer en fonction des valeurs possibles de . Identifier les états d'équilibre de l'aimantation, et distinguer les équilibres stables et instables.
Question 54. Exprimer la barrière d'énergie , définie comme la différence d'énergie entre état instable et état stable.
La loi de Arrhenius donne le temps typique de commutation accidentelle de l'aimantation dûe aux fluctuations thermiques à la température :
. Pour un bit donné, la probabilité de ne pas avoir commuté accidentellement pendant un temps est
Question 55. Donner la probabilité qu'un bit ait subit au moins une commutation accidentelle pendant un temps .
Question 56. Pour un ensemble de bits, donner la probabilité qu'il y ait eu au moins une commutation accidentelle d'un des bits pendant un temps .
Question 57. Pour un ensemble de bits, donner l'expression du rapport nécessaire pour que la probabilité qu'au moins une erreur survienne pendant un temps soit inférieure à une certaine valeur .
Question 58. Application numérique : pour une MRAM avec une capacité de 1 Gbit conservée à la température ambiante de 300 K pendant 10 ans , quelle doit être la valeur typique de pour assurer que la probabilité qu'une erreur survienne sur un des bits soit inférieure à ?
Question 59. Application numérique : estimer le rayon minimal d'une couche de stockage F2 cylindrique d'épaisseur qui est ainsi nécessaire pour stocker un de ces bits.
ENS Physique PSI 2020 - Version Web LaTeX | WikiPrépa | WikiPrépa